Certains transporteurs routiers embauchent des employés à titre de chauffeurs incorporés en leur faisant miroiter un gain de revenus grâce aux déductions fiscales, alors qu’ils ne sont finalement que des salariés déguisés n’ayant pas droit aux mêmes protections que les autres.
L’Association du camionnage du Québec (ACQ) met en garde contre ce « fléau » qui prend de l’ampleur au Québec depuis quelques années, selon Marc Cadieux, président-directeur général de l’Association du camionnage du Québec. Et les travailleurs étrangers n’y échappent pas : « Ne connaissant pas les inégalités, leurs droits, et arrivant chez nous pour tenter d’empocher à juste raison le plus d’argent possible, ils vont accepter d’entrer dans ces subterfuges ne sachant pas que c’est illégal », s’inquiète-t-il.
« Faux entrepreneur »
Certaines entreprises de transport de marchandises encouragent des travailleurs à s’incorporer en leur promettant qu’ils feront un gain salarial. Mais en plus d’avoir un statut particulier, la personne qui s’incorpore devrait normalement assumer les risques financiers et faire ses propres déductions, pouvoir offrir ses services aux entreprises de son choix, être propriétaire du camion et de l’équipement, décider de ses horaires de travail et de ses congés. Or, il n’en est rien. Le modèle d’incorporation Chauffeur inc. ne répond pas aux critères précédents, car le camionneur est toujours lié à un seul transporteur : il utilise l’équipement et le camion de ce dernier, doit lui demander l’approbation pour son horaire et ses congés, etc.
Il n’est donc pas un travailleur incorporé au sens de la loi et les déductions ne sont pas conformes : c’est un « faux entrepreneur », mentionne le directeur de l’ACQ. Qui plus est, il n’a pas accès à des droits prévus par les Normes du travail du Québec ou le Code canadien du travail, comme les cotisations de l’employeur à l’assurance-emploi et au Régime de pension, les congés de maladie payés ou l’indemnisation des accidents de travail. En plus de ne pas être protégé, il risque de recevoir une mauvaise surprise à la fin de l’année fiscale.
L’employeur qui utilise ce subterfuge retire des avantages de cette pratique comme celui de ne pas faire de retenues à la source. Ainsi, l’employé lui coûte moins cher et il peut facturer moins cher à ses clients, créant une compétitivité déloyale dans l’industrie, reproche Marc Cadieux. « Malheureusement, ce n’est pas l’employeur qui va être pris dans l’étau, c’est le travailleur qui va se faire cotiser tout l’impôt qu’il n’a pas payé ou dont il s’est soustrait avec des pénalités. » Le gouvernement canadien propose de verser 26,3 millions de dollars sur cinq ans, à compter de 2023-2024, à Emploi et Développement social Canada afin qu’il prenne des mesures plus rigoureuses contre les employeurs non conformes.
Déceler les signes de fraude
Il faut donc se méfier des offres d’emploi de type « Chauffeur incorporé recherché » avec des mentions « XX$/hr pour incorporé » par exemple ou si l’employeur propose de devenir travailleur autonome ou incorporé tout en maintenant le lien de subordination avec lui. Cette pratique est plus susceptible de toucher les travailleurs ayant un permis de travail ouvert, mais elle devrait être connue de toutes les catégories de travailleurs migrants afin de les protéger d’une fraude éventuelle.
Si cela vous arrive, vous pouvez joindre la ligne de dénonciation de la CNESST en indiquant « Chauffeur Inc. » dans l’objet du courriel : renseignement@cnesst.gouv.qc.ca. Vous pouvez également contacter le service de signalement spécifique pour les travailleurs étrangers temporaires (français, anglais, espagnol) : signalement_tet@cnesst.gouv.qc.ca.
L’Agence du revenu du Canada a également un service de dénonciation (français, anglais). Retrouvez-le ici : https://www.revenuquebec.ca/fr/une-mission-des-actions/assurer-la-conformite-fiscale/denonciation/programme-general-de-denonciation/comment-effectuer-une-denonciation/