Pour Adán Estuardo Orellana Catalán, le sport est bien plus qu’une façon de se dépasser. C’est aussi une source de motivation pour se maintenir en santé, inspirer ses enfants, s’intégrer à sa communauté d’accueil et chasser l’ennui.
Texte et photo principale : Marie-Anne Dayé
Originaire de Sanarate au Guatemala, l’homme de 33 ans a fait ses débuts dans le sport de manière un peu imprévue. Alors qu’il quittait l’école à 12 ans pour se consacrer au travail à la boulangerie, il avait en quelque sorte intégré « une vie d’adulte », dit-il. Il a commencé à fumer la cigarette et boire de l’alcool. À 15 ans, on l’a encouragé à essayer le handball et c’est alors qu’il a cessé de boire. Le sport lui a sauvé la vie trois fois, et c’était la première, dit-il. Après un retour à l’école, ses notes ont grimpé en flèche et il s’est mérité une bourse pour étudier dans la capitale. Lors d’entrainements de handball, on l’a remarqué et il s’est fait recruter par l’équipe nationale. Ce sport a fait partie intégrante de sa vie, et ce, pour les 9 années qui ont suivi.
Puis, il s’est enrôlé dans l’armée. Son rang lui permettait de s’entrainer régulièrement, et il s’est mis sérieusement à la course à pied. L’envie lui prit alors d’arrêter de fumer, de peur d’être atteint un jour un cancer du poumon. « J’ai inhalé une dernière bouffée, et je n’ai jamais touché à une cigarette après. Mais je devais trouver quelque chose pour compenser l’anxiété que ça créait. » Il s’est donc mis à courir. Les marathons et des ultramarathons était devenus la norme. Adán était infatigable !
La détermination, c’est payant
Il a ensuite occupé un poste au gouvernement, assez bien payé, mais incertain à long terme. Dans cette période de sa vie, il pratiquait l’aviron de manière professionnelle et il lui arrivait souvent de se rendre au travail à vélo et à la course pour échapper aux trois heures de trafic routier matin et soir.
Sa femme, qui est psychologue, et lui ont convenu qu’elle arrêterait de travailler pour se consacrer aux enfants à la maison pendant cinq ans. Si Adán allait au Québec, il pourrait gagner un peu plus d’argent et ouvrir des portes pour l’avenir, afin que la famille puisse s’y installer.
Il s’est donc fait embaucher dans une ferme laitière à Saint-Ubalde et a commencé son emploi en juin 2023. Il était le seul employé et travaillait parfois 75 heures par semaine, ce qui lui laissait peu de temps pour s’entrainer. Il se sentait isolé et sa famille lui manquait énormément. Mais il a tout de même trouvé le courage de parcourir des centaines de kilomètres chaque semaine pour s’entrainer avec l’équipe de handball de Lévis. C’est la troisième fois que le sport lui a sauvé la vie, rappelle Adán. Il a également reçu l’appui de ses employeurs et d’un conseiller de l’entreprise afin qu’il puisse participer au Marathon de Montréal. Ses trois mois d’entrainement intensif en valaient la chandelle : il a battu son record personnel et a couru 5 km en 17 minutes.
L’athlète voit aussi dans le sport une manière de socialiser. Il s’est rapproché de l’organisme Accès Travail Portneuf et a participé à plusieurs activités proposées. « Il y a plusieurs choses que je n’aurais pas faites si ce n’était pas de l’aide de Fernand et Samuele, dit-il. Il m’est arrivé plusieurs choses à la ferme au début, dont un accident de travail. Ils m’ont donné le guide d’information sur les droits. Parfois, nous ne portons pas attention, nous ne le lisons pas. Mais eux nous dirigent toujours vers le guide à telle page ou telle page. Je pense qu’il faudrait trouver une autre façon pour assimiler encore mieux l’information, comme avec des vidéos ». Samuele Seri, intervenant interculturel à Accès Travail Portneuf, voit en Adán un beau modèle de persévérance pour les travailleurs étrangers temporaires. « Beaucoup se perdent dans la routine de travail. Ce n’est pas leur faute, mais ils s’isolent un peu. Et il y a de la place pour la dépression et les moments difficiles. Mais Adán a trouvé la force, notamment grâce au sport, de sortir, de s’intégrer et de rencontrer beaucoup de gens. Il a fait beaucoup d’efforts pour améliorer sa situation et celle de sa famille. »
Une nouvelle aventure à Québec
Alors que ses patrons de Saint-Ubalde lui ont annoncé qu’ils prenaient leur retraite et vendaient leur cheptel, Adán n’avait d’autre choix que de repartir au Guatemala ou de trouver un autre employeur au Québec. Grâce à son réseau, il a pu décrocher un emploi de plongeur au Fairmont Le Château Frontenac. Son horaire de travail étant moins chargé, il pourra donc s’entrainer davantage et prendre des cours de français. « Pour moi, venir au Canada est une opportunité pour croître. Si tu viens avec la mentalité de faire de l’argent, de te concentrer sur le travail, de construire ta maison au pays, c’est bien. Tu peux venir aussi avec la mentalité d’ouvrir le chemin pour tes enfants. Il faut te mettre en relation avec les gens ici et apprendre la langue », affirme Adán. Le sport faisant partie de son ADN, il espère secrètement que ses enfants, s’ils en ont envie, suivront sa voie, et pourquoi pas intégrer une équipe olympique canadienne.