Située à quelques kilomètres de Montmagny, l’Isle-aux-Grues est la seule des 21 îles de l’archipel qui est habitée à l’année. Parmi les quelque 130 habitants qui ont adopté cette vie insulaire, une dizaine d’entre eux sont des travailleurs étrangers temporaires, la plupart embauchés par la Fromagerie de l’Isle, les autres par des fermes laitières qui produisent le lait pour la fromagerie. Immersion avec des TET qui ont adopté ce mode de vie.
Texte, photos et vidéo : Marie-Anne Dayé
Pour se rendre à l’Isle-aux-Grues à partir du continent, il faut emprunter le traversier… ou l’avion si la marée est trop basse. En hiver, il n’y a pas à choisir : l’avion est l’unique moyen de faire l’aller-retour. Sur l’île, nous rencontrons quelques travailleurs de la fromagerie et le directeur de l’usine de production, Daniel Roy, qui nous raconte brièvement à quoi ressemble la vie sur ce petit territoire. « Ça a son charme ! », lance-t-il d’emblée. « Ça prend un comportement un peu contemplatif. Ici, c’est calme, on respire ». Il faut prévoir ses déplacements car il n’y a ni école, ni épicerie à grande surface. En hiver, la production de fromages est livrée par un petit avion, duquel on retire les sièges pour augmenter l’espace disponible. Chose certaine, la logistique de chaque opération doit être planifiée dans les moindres détails.
Edison Guerrero et Yudi Stella Rivera, Colombie
Edison et Yudi ont fait le pari de dire au revoir à leurs deux enfants de 24 et 25 ans et à l’Espagne, où ils ont vécu pendant 20 ans après avoir quitté la Colombie, pour vivre de nouvelles expériences au Canada. Visas de visiteurs en poches, ils se sont fait embaucher par une agence de recrutement à Montréal dans le but de travailler pour une entreprise transnationale. Malheureusement, ce qu’ils ne savaient pas, c’est qu’ils travaillaient depuis plusieurs mois sans permis de travail valide, contrairement à ce qu’on leur avait promis. Une action collective est d’ailleurs en cours concernant cette affaire. Heureusement, ils ont pu obtenir un permis de travail ouvert pour travailleurs vulnérables (PTOTV) grâce au soutien du Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTTI).
À la suite d’une présentation de l’équipe de la MRC de Montmagny, en visite à Montréal, ils ont pu décrocher un emploi à la Fromagerie de l’Isle. Le 15 avril 2024, ils ont donc jeté l’ancre sur cette petite île de 9 km de long, avec leur chienne Kloe qu’ils avaient emmenée d’Espagne. « Notre plan, pour le futur, est d’entamer un processus légal au Canada. Pour cela, nous devons commencer par obtenir un permis de travail fermé avec l’entreprise, étudier la langue, obtenir le permis de conduire… Toutes ces choses contribuent à notre intégration. Nous l’avons vécu dans un autre pays. Nous savons que nous devons bien interpréter la culture et connaître tout ce que le Canada a à nous offrir », mentionne Edison.
- Travailler au Québec
Pour travailler au Québec, il est nécessaire d’obtenir un permis de travail valide. Grâce à une mesure temporaire qui a été prolongée jusqu’en 2025, certains ressortissants étrangers qui se trouvent au Canada en tant que visiteurs peuvent, sous condition, demander un permis de travail sans avoir à quitter le Canada. Mais attention, cette démarche est soumise à certaines conditions. Renseignez-vous sur les conditions à remplir avant de pouvoir commencer à travailler. Enfin, sachez que votre employeur ne peut en aucun cas entamer de démarches d’immigration sans votre implication active. Vous ne pouvez pas ignorer qu’une demande en votre nom a bel et bien été faite. Consultez le guide d’information pour les travailleurs étrangers temporaires afin d’en apprendre plus sur les droits et les responsabilités des employeurs et des travailleurs.
Serge-Alain Konan, Côte d’Ivoire
Arrivé de la Côte d’Ivoire en 2023, Serge-Alain, s’y plaît beaucoup sur l’île, même si c’est un « monde un peu différent » compte tenu du mode de vie insulaire. Il travaille comme affineur de fromges, lui qui avait déjà de l’expérience dans l’industrie du yogourt dans son pays d’origine. « C’est ma première année au Québec, et je travaille dans cette fromagerie qui nous fait du bon fromage ! », dit-il tout sourire. « Si tu veux vivre à l’Isle, il faut aimer la tranquillité », ajoute-t-il en soulignant au passage qu’il y a beaucoup d’activités pour se divertir, notamment la pétanque, la pêche et la chasse aux oies. Son souhait est de renouveler son permis de travail qui arrivera à échéance l’an prochain et faire venir sa fille de 5 ans. « Je suis à l’aise à l’Isle-aux-Grues, je ne veux pas aller ailleurs ! »
Jonh Fredy Cifuentes Bedoya, Colombie
Jonh est arrivé à l’Isle-aux-Grues dans les mêmes circonstances que ses compatriotes Edison et Yudi, avec un PTOTV. Il y trouve son compte dans ce lieu tranquille et paisible, car lui-même est de nature calme. Son désir est de se « forger un meilleur futur, car la situation en Colombie est complexe sur plusieurs aspects ». La première chose à faire, selon lui, est de maîtriser parfaitement le français afin de pouvoir demander la résidence permanente. Qui sait, peut-être trouvera-t-il aussi l’amour de sa vie ?, se demande-t-il. Être loin de ses parents, restés en Colombie, est un défi, mais « ce sont des situations que l’on doit affronter, car c’est la vie ! ».
Lucio Rodolfo Hurtado Navas, Guatemala
Lucio, originaire de Santa Rosa au Guatemala, effectue cette année sa troisième saison de travail dans une ferme laitière de l’Isle, qui fournit la fromagerie en lait. « Je n’avais pas d’emploi stable au Guatemala. Mon frère m’a recommandé de venir ici et c’était une belle opportunité », souligne-t-il. Généralement, il arrive en février ou mars et quitte en septembre. La première fois qu’il a mis les pieds ici, dans ce lieu isolé, il lui a fallu quelque mois pour s’adapter, mais il y est arrivé, car le corps s’adapte à tout, dit-il. « J’ai même dit au patron que je voulais voir la neige avant de retourner au Guatemala ! », dit celui qui apprécie les températures plus fraîches.