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Marie-Anne DAYÉ

Conceptrice - Rédactrice

Rejoindre les Guatémaltèques, un défi de taille

En poste dans la métropole depuis un an, Iris Julissa Hengstenberg Delgado de Gros, la Consule générale du Guatemala à Montréal, a de hautes ambitions pour soutenir les Guatémaltèques qui sont au Québec. Le principal défi ? Arriver à les rejoindre.

Texte et photos : Marie-Anne Dayé

L’année 2024 s’annonce mouvementée au Consulat du Guatemala à Montréal : agrandissement des locaux, impression des passeports sur place et consulats mobiles s’ajoutent à la liste des services qui étaient déjà offerts auparavant, tels que la visite des fermes et l’accueil des travailleurs à l’aéroport de Montréal. La Consule générale Iris Julissa Hengstenberg Delgado de Gros souhaite rejoindre plus de Guatémaltèques encore et servir sa communauté au meilleur de ses capacités. « Je suis quelqu’un qui a une haute vocation de service. Ça me fait vivre, ça me fait avancer. J’aime chercher des opportunités, voir comment on peut améliorer ce qui est déjà fait et changer ce qui ne marche pas », affirme-t-elle.

 

Les Guatémaltèques peuvent se rendre au Consulat du Guatemala à Montréal, situé au 1255 Robert-Bourassa, suite 510, pour émettre leur passeport, leur carte d’identité guatémaltèque ou un acte de naissance, par exemple.

Elle a démarré sa carrière diplomatique en tant que troisième secrétaire à l’ambassade du Guatemala en France, est retournée au Guatemala au ministère des Affaires étrangères, puis elle a traversé à nouveau l’Atlantique où elle était chargée d’affaires en France et à l’UNESCO. Elle a d’ailleurs participé à l’inscription en 2022 de la Semaine sainte au Guatemala, un événement religieux et culturel qui commémore la Passion, la mort et la résurrection du Christ, au Patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.

 

En 2023, elle entame un nouveau chapitre de sa carrière à Montréal et doit se pencher pour la première fois sur un sujet qui lui était peu familier : celui des travailleurs temporaires. Elle se trouve ainsi face à un nouveau défi professionnel, mais aussi personnel; lorsqu’elle accepte de poursuivre son parcours au Québec, elle est accompagnée de sa fille, mais s’éloigne de son mari et de son fils qui doivent rester en France. « C’est compliqué d’être une femme diplomate parce qu’on bouge beaucoup. Soit tu suis, soit tu ne suis pas ! Si je n’avais pas le soutien de ma famille à 100%, je ne pourrais pas m’épanouir dans ce que je fais », dit-elle.

 

Quels défis rencontrez-vous dans le dossier des travailleurs étrangers temporaires ?

Un des défis, c’est que même si on fait partie du programme de mobilité professionnelle, on ne dépend pas du Ministère du travail au Guatemala : la majorité des TET qui sont au Québec sont recrutés par des agences privées. Donc, pour nous, c’est difficile de savoir où ils sont, contrairement au Mexique qui a un accord bilatéral avec le Canada et qui a un registre de tous les travailleurs qui se trouvent ici. Lorsqu’elles sont récemment venues en visite au Québec, les autorités guatémaltèques ont essayé plusieurs fois de négocier avec le Canada, mais le Canada n’est pas ouvert à ce genre d’accord.

 

On essaie via les réseaux sociaux de se rapprocher des Guatémaltèques pour qu’ils voient ce qu’on peut leur offrir au sein du consulat mise à part la protection, mais on n’arrive pas à tous les toucher parce que c’est difficile d’avoir une base de données.

 

J’aime bien aussi aller chercher ces Guatémaltèques qui sont ici depuis des années et qui ont perdu le lien avec le Guatemala pour des raisons personnelles ou professionnelles. Pour moi, c’est très important de les rapprocher du Guatemala, de leurs racines, surtout ceux qui sont partis fâchés du Guatemala. Je souhaite les réconcilier avec le pays.

 

Le fait de ne pas avoir d’entente bilatérale avec le Canada fait-il en sorte que les TET sont plus vulnérables et que leurs conditions sont moins bonnes ?

Je pense que ça les rend plus vulnérables, oui, parce qu’il y a moins de contrôle. Mais je pense que dans l’ensemble, il y a quand même un respect des droits bien que l’on trouve des cas extrêmes de violence, d’abus au travail, de non-respect des normes. On voudrait aller chercher plus de réponses et trouver une manière dont les autorités canadiennes pourraient intervenir afin que cessent ces abus.

 

Quelle serait la façon de faire cesser ces abus, selon vous ?

Interdire ou faire un contrôle plus strict de certaines fermes et même de certaines agences de recrutement malveillantes pour qu’elles cessent leurs activités. Ce sont les autorités qui leur donnent la permission d’opérer, qui leur donnent le permis de recruter des travailleurs. Et ces agences poussent comme des champignons. C’est compliqué parce que même des travailleurs commencent à monter leur propre agence de recrutement. On finit par perdre le contrôle.

 

Il ne faut pas fermer les yeux par rapport à ça. J’insiste sur la responsabilité des autorités autant provinciales que fédérales des permis qu’ils octroient aux agences et aux fermes. Je pense que c’est un gros défi du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) par rapport au Programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS) parce qu’au PTAS tu passes par l’agence de recrutement nationale et il n’y a pas une autre manière.

 

Nous, on essaie de sensibiliser les Guatémaltèques pour qu’ils nous appellent, pour qu’ils se plaignent, mais on observe sur le terrain qu’ils ont peur de dénoncer. C’est aussi dans la culture d’avoir cette peur de perdre leur travail ou l’opportunité de revenir au Canada.

 

Comment faites-vous pour convaincre les travailleurs de parler, de dénoncer ?

On leur rappelle qu’ils ont des droits. Le problème qu’on a rencontré est qu’ils ne sont pas tout à fait au courant de leurs droits et de leurs obligations avant de venir au Canada. Je pense que pour bien les sensibiliser, il faut leur parler avant de prendre l’avion, avant qu’ils quittent le Guatemala. Il y a du progrès sur cette question, par exemple l’organisme FERME, via son programme FERME Contigo, a commencé un programme de sensibilisation, et je crois qu’il faut continuer sur cette voie et inviter les autres agences à faire de même.

 

Pensez-vous que l’abolition des permis fermés pourrait régler le problème des fuites de travailleurs ou des abus envers eux?

Je me pose toujours cette question et je ne sais pas si le Québec, et même le Canada, sont prêts à gérer ce flux de personnes qui vont passer d’une entreprise à l’autre. De plus, le permis fermé nous aide à contrôler le flux migratoire du Guatemala vers le Canada : on sait comment les gens vont circuler d’une manière légale, ça permet une migration sûre et ça donne un peu de stabilité. Le risque des permis fermés, toutefois, ce sont les abus. Je pense qu’avec des permis ouverts, il y aurait davantage de respect des droits humains et du droit du travail, mais est-ce qu’on va bien encadrer les travailleurs ? Que se passera-t-il s’ils quittent leur employeur mais ne trouvent pas de travail par la suite ?

 

Est-ce important pour vous de garantir que les travailleurs retournent au Guatemala ?

Oui, c’est important. Ils quittent le Guatemala pour huit ou dix mois et ils rentrent voir leur famille. Ça crée ainsi une stabilité familiale. Parfois, ils ne reviennent plus, ils oublient qu’ils ont une famille là-bas parce qu’ils ont trouvé leur compte ici. Avec le permis fermé, ils savent qu’ils vont rester chez cet employeur et, si ça se passe bien, tant mieux, ils vont retourner chez eux et savent qu’ils vont revenir la saison suivante. Je ne pense pas que c’est la meilleure formule de travail, mais ça crée de la stabilité. Notre priorité est d’assurer une migration régulière, sûre et ordonnée.

 

Quelle est l’importance de la collaboration dans votre travail ?

Je suis très contente de travailler avec Immigrant Québec. Quand on a fait la première réunion trimestrielle dans le cadre du Programme de soutien aux travailleurs migrants financé par le gouvernement du Canada, ça m’a permis de voir le réseau d’organismes qu’il y a pour nous aider à aider les Guatémaltèques. Il très important de travailler étroitement avec les organismes parce que nous seuls on ne peut pas le faire. Chacun a son expertise. Nous devons trouver des solutions pour aider les TET et les Guatémaltèques en général de la meilleure façon possible.

 

Iris Julissa Hengstenberg Delgado de Gros à droite accompagnée d’une partie de son équipe au Consulat du Guatemala à Montréal.

Le projet a été financé par le gouvernement du Canada.

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